
Faire vivre l'innovation logistique
Voir la transcription
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes au siège de la « scale-up » Dexory, à quelques kilomètres à l’ouest de Londres, avec Guillaume Doisy, architecte système. Bonjour. Bonjour. En 2024, Dexory a bénéficié de l’une des principales levées de fonds en matière de robotique en Europe. En tant que « scale-up » de la tech, l’innovation est inscrite vraiment très profondément dans votre ADN. Pour commencer, est-ce que vous pourriez tout simplement nous raconter votre histoire ?
Guillaume Doisy (Dexory)
Alors, Dexory, ça fait presque dix ans que ça existe. Par contre, le projet actuel de Dexory, un gros robot qui se balade complètement autonome dans les entrepôts pour les scanner. Ça, c’est un projet qui a deux ans et demi. Et c’est à partir de ce projet-là que tout a commencé à accélérer très très fort pour Dexory. Donc l’histoire de Dexory, BotsAndUs avant, c’était une petite boîte de robotique qui commençait par faire des petits robots pour le retail et qui, au moment du Covid, a exploré la possibilité de commencer à scanner les entrepôts logistiques avec un petit robot. L’idée a beaucoup plu et ils ont commencé à essayer de faire un gros robot pour scanner non pas juste le premier étage de l’entrepôt logistique, mais l’intégralité du rack.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Et aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout sur des petits robots pour le retail.
Guillaume Doisy (Dexory)
Exactement, on n’est plus du tout des petits robots. Maintenant, on est sur des robots qui font près de 700 kilos et jusqu’à 14 mètres de haut, avec un mât télescopique qui s’étend pour pouvoir scanner de 0 à 14 mètres et bientôt 16 mètres l’intégralité d’un rack d’un entrepôt logistique.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors, c’est allé plutôt très vite, plutôt très fort. Quels sont les éléments clés, qui constituent votre démarche d’innovation, qui font que vous en êtes là où vous en êtes aujourd’hui ?
Guillaume Doisy (Dexory)
Les éléments clés, je dirais, c’est un cocktail de plein de choses. Premier point, c’est une vision. C’est la vision qu’ont eu les fondateurs de comprendre ce besoin qui existe dans les entreprises logistiques de scanner pour à la fois faire des inventaires et collecter de la donnée. Ça, c’est quelque chose que je partage. Je pense que le marché attendait depuis des années qu’il y avait un vrai manque. Donc numéro un, un besoin client très, très fort. Numéro deux, c’est une vision technologique parce que ce qu’on fait aujourd’hui, on est les seuls à le faire, pas parce qu’on est les seuls à avoir envie de le faire, mais parce qu’on est les seuls à être capables de le faire. Vision qui, pour se réaliser, s’accompagne d’avoir une équipe d’experts dans plein de domaines différents qui sachent travailler ensemble. Je vais préciser un petit peu. Numéro 1, la partie dont je m’occupe, la partie robotique. On est les seuls, à ma connaissance, à être capables d’avoir un robot qui puisse rentrer dans les racks en autonomie complète, sans s’appuyer sur un système soit de ligne, soit de marqueur, soit de GPS indoor. Sur la partie scanning, Je pense qu’on est les seuls qui ont une solution technologique qui soit capable de scanner de 0 à 14 mètres. On a une concurrence potentielle de drones, mais ce n’est pas du tout le même cas d’usage. Un drone, les meilleurs, quand tout fonctionne bien, est capable de scanner 500 emplacements par heure. Nous, en fonction des configurations de sites, on est entre 5000 et 30000 par heure. Donc ce n’est pas du tout la même chose. Un drone, pour un très grand site, va avoir besoin de plusieurs semaines, plusieurs jours, plusieurs semaines. Nous, on n’a pas un seul site, même les plus grands au monde, qui font jusqu’à 180 000 m², qu’on n’est pas capable de scanner dans une fenêtre de 24 heures.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Comment vous avez fait pour monter cette équipe, pour identifier toutes les compétences, tous les talents nécessaires à développer ce que vous développez aujourd’hui ?
Guillaume Doisy (Dexory)
C’est une question pas facile. Il y a une énorme part de chance, il y a une part de croissance organique. Évidemment, il y a une part de compétences techniques des fondateurs et de l’équipe. L’équipe d’origine avait des très fortes compétences en mécanique, avait des fortes compétences en computer vision, en scan, ce qui leur ont permis d’avoir les premiers succès avec un petit robot. Et au moment où ils ont voulu faire grandir le cas d’usage, là ils ont pu réussir à trouver des talents en robotique, des talents en mécanique pour arriver au produit qu’on a aujourd’hui. Enfin produit, le robot n’est pas tant un produit, c’est plutôt la plateforme de données qui est le produit. Le robot ne vient que servir cette plateforme de données, pour préciser.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors, quand on se développe aussi rapidement, ça intègre aussi la possibilité de se tromper, de devoir recommencer parfois certaines choses. Comment est-ce qu’on intègre cette dimension aussi au quotidien dans son développement ? Et en quoi est-ce que ça peut aussi servir la démarche d’innovation ?
Guillaume Doisy (Dexory)
Je fais une première réponse un peu climante, puisque c’est l’ingénieur qui parle. Au point numéro un, il faut du cash. Il faut du cash parce que ce qu’on fait, c’est du hardware. On veut aller très vite. Et si on veut impacter négativement le moins possible nos clients, il faut qu’on ait les ressources, pour réagir vite et être capable de réagir au moindre problème dans une fenêtre de 24 heures. Donc on peut être extrêmement innovant à condition d’avoir les équipes qui sont capables d’intervenir en cas de souci. Donc une démarche innovative, d’innovation qui est risquée, pour moi en tout cas doit s’accompagner de l’infrastructure et de l’équipe derrière qui viennent accompagner ces risques.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Tout à l’heure, vous me parliez de la plateforme de données. Est-ce que ça, c’est un véritable avantage aujourd’hui quand vous présentez la solution à vos clients ? Parce que là aussi, en termes d’innovation, on n’est pas juste sur un robot qui produit des inventaires. On va au-delà.
Guillaume Doisy (Dexory)
Oui, c’est pour ça qu’on dit que le produit, c’est cette plateforme de données. C’est une plateforme qui vient se placer au centre de la gestion d’un entrepôt, qui utilise à la fois des données collectées par le robot et qui se connectent à un WMS. Pour, étape numéro 1, avoir une idée de l’inventaire, d’avoir l’idée de ce qu’il y a dans l’entrepôt. En fait, c’est ce qu’on appelle un jumeau numérique, donc c’est pas seulement l’inventaire On a la forme, on a les images, on a l’historique de données et à partir de ça, on peut exploiter les données. Donc à l’inventaire, numéro un, mais surtout, ce qu’on commence à explorer, c’est optimisation, recommandation de trajectoire et toute la valeur qui n’est probablement pas exploitée dans ces énormes bases de données qui existent en logistique.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Donc tout ça, ça sert vos clients. Vous me parliez tout à l’heure de démarches d’innovation risquées. Cette culture de l’innovation, la prise de risque qui en découle, est-ce que vous les partagez avec vos clients puisque vous avancez avec eux ? Et est-ce que, plus précisément, ça a été le cas dans le déploiement que vous avez mené avec ID Logistics ?
Guillaume Doisy (Dexory)
Oui. Alors, je parle d’innovation risquée parce qu’on fait des choses qui n’ont jamais été faites avant. Je parle d’innovation risquée parce qu’on utilise une machine physique qui a une taille importante, qui a un poids important, qui peut présenter des risques si elle a été mal développée en termes de collisions, en termes de mouvements à hauteur. Donc, on respecte au maximum les normes et les recommandations, mais ça reste, pour un client un produit qu’il n’a jamais vu tourner ailleurs. Donc notre démarche, c’est de limiter au maximum les risques pour le client, à la fois en termes d’impact de production, de déploiement, mais il y a nécessairement une part de, les premiers clients, forcément une espèce d’appétence au risque et à l’innovation, enfin à l’innovation et avec le risque qui va avec, parce qu’ils ne sont pas sûrs que ça marche. Et ça, c’est une marque de confiance très, très forte. Pour ID Logistics, par exemple, ID Logistics, ça a été notre premier client en dehors de l’Angleterre. Donc une grande marque de confiance, mais aussi une grosse prise de risque. Nous, on a appris à déployer un robot. en dehors de l’Angleterre. On a appris, c’est bête, on a appris à traverser la Manche avec un robot. C’est la première fois qu’on faisait un trajet depuis trois heures avec un robot quand on a installé le premier site ID logistics. Donc avec ça, on a eu quelques soucis. On a eu des pièces qui ont été déréglées par le transport. Intervenir ou quand il y a le moindre souci, c’est beaucoup plus facile quand ça y est une demi-heure de la maison que quand il faut prendre un avion ou un Eurostar. Mais avec ces risques-là, nous, on essaie de les gérer en amont, en prévoyant le maximum de ressources pour réagir très vite. Encore une fois, on peut se permettre d’avoir quelque chose qui est innovant, dont on n’est pas sûr à 100% du résultat sur site, si derrière on est capable de réagir très rapidement pour, un, réparer les problèmes, qu’ils soient logiciels ou hardware, et deux, rassurer le client derrière et répondre aux demandes du client.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Pour conclure, est-ce que vous pourriez me donner un peu votre roadmap pour les mois, voire les années à venir ? En Angleterre, en France et partout ailleurs d’ailleurs.
Guillaume Doisy (Dexory)
Alors, la roadmap à 5 ans, absolument tout est possible. Je ne commenterai pas plus dessus. La roadmap dans les prochains mois, première chose, on déploie au niveau mondial. On a une traction qui est très très forte aux États-Unis, qui est un marché qui est particulièrement intéressant pour nous, parce qu’encore une fois, c’est culturellement un marché qui a un peu plus le goût du risque et de l’innovation. On a des cycles de vente qui sont beaucoup plus courts aux États-Unis. Donc aujourd’hui, 50% de nos déploiements sont aux États-Unis. La majorité des 50% restants est en Europe et on commence à déployer en Asie. Donc les prochains mois, c’est vraiment le « scale-up » et le déploiement mondial, avec tout ce que ça demande en termes d’organisation, de service et de process. Donc moins du développement technologique, mais plus du développement opérationnel. pour la partie « scale-up » mondiale. Par contre, au niveau technologique, on a pas mal de nouveautés qui arrivent. Notamment, on est en train d’améliorer très significativement la précision de notre estimation volumétrique, qui va ouvrir des nouveaux cas d’usage, notamment avec ID Logistics. On travaille avec ID Logistics sur ce nouveau cas d’usage et ce qu’on appelle en interne « Pick Face ». Et on travaille aussi à se déployer dans de nouveaux types d’environnements. Aujourd’hui, on supporte principalement les environnements logistiques de rack. Mais on a des environnements qu’on appelle « block stack » si je ne me trompe pas, qui sont les environnements des palettes où des objets sont stackés, sont entreposés sur des surfaces ouvertes, ce qui présente des challenges complètement différents en termes de navigation pour la partie robotique, mais aussi des challenges pour la partie de scan. Pour estimer où sont des objets qui ne sont pas dans une structure de rack, c’est complètement un autre problème.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Merci beaucoup Guillaume.
Guillaume Doisy (Dexory)
Je vous remercie.
Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Au revoir.