Faire vivre l'innovation logistique

Stéphane Zantain, CIO & SCM du groupe Galeries Lafayette.
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Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Faire vivre l’innovation logistique. Un podcast pensé et réalisé par ID Logistics, Groupe international de logistique contractuelle et le média Voxlog. Bonjour à toutes et à tous. Je suis au siège des Galeries Lafayette à Paris avec Stéphane Zantain, directeur système d’information et supply chain du groupe Galeries Lafayette. Bonjour Stéphane. Bonjour Lorraine. Alors, on est ici pour parler d’innovation. Et l’innovation au sein du groupe Galeries Lafayette, je pense qu’on connaît. Que représente ce mot, innovation au sein du groupe Galeries Lafayette ? Et de quelle façon se matérialise votre démarche en la matière ?

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Je crois que l’innovation, ça fait vraiment partie de l’ADN des Galeries Lafayette. Ça fait 130 ans qu’on existe et on vit de l’air du temps. Donc notre capacité à nous adapter aux nouveaux besoins des clients, aux nouvelles marques qui apparaissent, aux nouvelles tendances, d’arrêter des choses, d’être précurseur sur d’autres, ça fait vraiment partie de la façon dont fonctionnent les Galeries Lafayette.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors cette innovation, est-ce qu’elle est structurée, managée au sein du groupe ?

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Je pense que comme ça fait vraiment partie du métier, il y a une partie de l’innovation qui est une forme d’innovation obligatoire qui va se répéter avec le temps qui passe. C’est-à-dire que tous les ans, il va falloir se demander la question de comment on va innover pour Noël. Est-ce qu’on va faire un truc nouveau sur le sapin, etc. Enfin bon bref, tous les ans, on va devoir se poser la question de quelles sont les nouvelles marques qui sont en train d’apparaître. Comment on va transformer notre expérience en magasin ? Est-ce qu’en ce moment, ce qui se développe, c’est plutôt le wellness, c’est plutôt le fooding ? Donc finalement, on a une forme d’obligation un peu budgétaire, on va dire, à l’innovation. Donc ça c’est une partie du management de sujets. Et puis après, il y a des tendances qui apparaissent et des sujets qui émergent. Et là, globalement, ça se fait vraiment au cas par cas.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Est-ce que c’est difficile de manager, structurer cette innovation au quotidien ?

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
La partie qui est obligatoire, ce n’est pas si difficile que ça. On est obligé de le faire. Il faut qu’il y ait quelque chose à Noël.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Il n’y a pas le choix.

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Voilà, il n’y a pas le choix. Il va falloir qu’on trouve une idée. Il va falloir qu’on règle ce sujet. Sur des sujets plus technologiques parce que quand même les innovations ces dernières années, elles ont été très technologiques. C’est parfois plus compliqué d’avoir une réalisation concrète. Après, c’est aussi à travers les erreurs qu’on progresse. Et donc, on a eu notre faire-cherre d’erreurs sur des sujets variés, les NFT, etc. C’est pas forcément simple de découvrir des expériences qui vont vraiment changer la vie des gens en magasin. Ces dernières années, les essais technologiques en magasin n’ont pas eu des succès fantastiques. On a tous essayé des choses, de l’essayage dans des cabines, des outils qu’on pouvez proposer à nos clients, sans un succès complètement marquant.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors vous parlez de clients, d’expérience client, il y a un sujet qui porte très haut l’expérience client, c’est celui de la supply chain et vous aussi vous le portez au sein du groupe. Comment cette supply chain soutient-elle finalement la nécessité qu’a le groupe à s’adapter perpétuellement aux nouvelles tendances de consommation ?

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Alors ça c’est un sujet qui me tient pas mal à cœur, je pense que, parce qu’on se dit toujours la supply chain, évidemment ça doit être industriel. Alors je pense que la supply chain ça doit être performant, mais le rôle de la supply chain des Galeries Lafayette, c’est vraiment, d’une certaine manière, une forme de lâcher prise, et c’est d’accepter cette grande variabilité des idées qu’on va avoir au sein du groupe. Et notre métier, ça va être d’accepter cette complexité et puis d’essayer de la rendre un peu plus industrielle avec le temps. Il faut accepter que demain après-midi, quelqu’un va avoir l’idée géniale de faire de la nourriture en plus de ce qu’on faisait précédemment, de développer un service de coiffure, de faire entrer une nouvelle catégorie, de se débrouiller, parce que en ce moment, par exemple, il y a une marque américaine de sous-vêtements qui marchent très très bien. Ils ne sont pas du tout structurés en Europe, on récupère les trucs un peu n’importe comment, mais parce que finalement ce n’est pas le show qui doit continuer à avancer, c’est le business qui doit continuer à avancer, on doit faire des ventes. Donc nous, on doit se débrouiller avec ça, avec cette forme de complexité et essayer de ranger les choses après en fait. Donc il faut accepter cette innovation un peu permanente de la boutique.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Et alors en matière de supply chain, est-ce que l’innovation sert justement cette nécessité de s’adapter ? Il y a de nombreux sujets qui émergent. On parle beaucoup d’IA, on parle beaucoup de robotique, on parle de computer vision. Vous, vous avez la double casquette en plus, supply chain, système d’information. Quels sont les sujets qui sont portés par votre direction ? Quels sont les chantiers en cours sur lesquels vous travaillez ?

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Pour le coup, je pense que l’innovation pour nous, côté supply chain, sur les sujets technologiques, c’est en fait beaucoup la data. Donc, ce n’est pas forcément très innovant. C’est moins l’IA conversationnelle. Ce n’est pas forcément les robots. Peut-être qu’on reparlera des robots. C’est très important dans la supply, mais ce n’est pas notre actualité côté Galeries. Notre actualité, elle est vraiment refaire nos fondations IT, à la fois dans l’entrepôt, le WMS et la data de la supply pour être capable de faire un pas de progrès, pour faire un pas de performance en maîtrisant mieux notre planification, ce qui est en train de nous arriver, l’optimisation de l’entrepôt, etc. Donc à la fin, ça reste de reconstituer de la donnée qui soit utilisable et d’essayer de la transformer en performance. Quand je dis que l’innovation dans la supply chain, elle tient en partie à la data, il y a évidemment le sujet de l’analyse de la donnée, mais il y a aussi un gros sujet de comment on fait pour l’avoir. L’avoir et si possible bien rangée en fait. Mais la question de comment est-ce qu’on fait pour avoir cette donnée, elle est très importante, je pense, pour la logistique. Donc il y a la question des capteurs. Évidemment, on flash des choses, mais il y a de l’information qui souvent est hors des systèmes. Et donc, c’est difficile de faire du data mining sur les process. Et je pense qu’il y a encore des choses à faire sur les capteurs. On parle de jumeaux numériques. La question n’est pas tellement d’avoir la représentation de l’information, elle est d’avoir un maximum d’événements et de pouvoir les relier entre eux. Je pense qu’il y a encore des sujets à traiter. D’ailleurs, avec la vidéo, je pense qu’on a un peu la même chose en entrepôt : saisir plus d’informations pour pouvoir faire des analyses.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Mais du coup, ça semble presque très difficile par rapport à ce que vous venez de m’expliquer précédemment. C’est-à-dire que comme vous devez en permanence vous adapter, faire de la prévision, de la planification, c’est pas simple.

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Oui, et d’ailleurs, je ne sais pas si c’est innovant, mais on avait à un moment l’espoir que, par exemple, on arriverait à rendre beaucoup plus robustes nos dates de réception. Finalement, on s’est dit, bon, laissons tomber, on n’y arrivera jamais. On n’y arrivera jamais à plus de 70%. Et 70%, ça ne suffit pas à faire la planification hebdo d’un entrepôt, donc on s’est dit, on va faire la planification autrement. C’est encore basé sur la donnée, mais ça demande d’accepter qu’il y a des inconnus plus fortes. Donc effectivement, le sujet, je ne sais pas si c’est un sujet extrêmement innovant, mais le sujet pour nous, il est quand même une forme de finesse de planification, de clarifier la promesse et l’optimisation de l’entrepôt, elle vient beaucoup d’une forme de lissage et de planif aujourd’hui.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Pour avancer sur tous ces sujets, système d’information, supply chain, vous vous entourez de partenaires, est-ce que la composante innovation est importante dans le choix de ses partenaires, et je pense notamment à ID Logistics, évidemment.

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Effectivement, si on parle de logistique, ID Logistics, c’est un partenaire clé, je pense, et j’en parlais tout à l’heure, la robotique, c’est un sujet clé de la logistique moderne. Et la robotique, c’est évidemment un sujet avec une forme de complexité. Il faut du retour d’expérience. Il y a quand même une multitude de types de robots. Il faut essuyer les plâtres, comme toujours avec ces sujets technologiques. Ça ne marche pas du premier coup. Et ça, je pense que ça n’est à la portée que des grands logisticiens. Je pense que ce métier de la logistique, il a beaucoup changé. On a une logistique qui est assez grosse quand même au Galeries Lafayette. Et fut un temps, il y a une vingtaine d’années, les logisticiens, ils avaient une taille qui ressemblait à la nôtre. Et donc finalement, ils étaient d’une certaine manière ni meilleurs ni moins bons. en tout cas on jouait dans la même ligue. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Si on regarde ID Logistics, c’est 100 fois plus gros que la logistique des Galeries Lafayette. Ils sont capables de faire des choses, d’innover, justement sur ces thématiques de robotique en particulier, comme nous, on n’est pas capable de le faire. Donc, je pense qu’on a besoin de partenaires sur ces sujets de logistique avancée, de robotisation et tout ça, qui ne peuvent être que des très grands logisticiens. Et ID Logistics fait tout à fait partie de cette équipe-là. Ils sont intéressés par ces sujets d’innovation. L’industrialisation et la robotique, ça leur tient à cœur, et quand ils me racontent des choses, ils me racontent des choses, des retours d’expérience, que nous, on ne peut pas avoir de notre côté seul.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Mais que vous pourriez du coup partager avec eux.

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Oui, en tout cas, qu’ils peuvent partager avec nous d’une certaine manière et dont nous, on pourra bénéficier dans la durée.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors, la mise en place d’un processus d’innovation, c’est quand même assez complexe. Comment est-ce que vous réfléchissez, vous, concrètement, dans la direction SI Supply au quotidien sur ces sujets-là ? Et quelles sont peut-être les thématiques sur lesquelles vous vous projetez dans les années à venir, si tant est que vous puissiez déjà vous projeter dans les années à venir avec la capacité d’adaptation qui vous est nécessaire ?

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Sur ces sujets, quand ils deviennent opérationnels, et j’ai un peu le même point de vue sur l’IT et sur la supply, Je pense que nous, les Galeries Lafayette, ce qu’il faut être, c’est plutôt être un adopteur. Il ne faut pas être dans les early adopteurs, les premiers adoptants d’une technologie. Je pense qu’il faut être dans ceux qui sont capables de rapidement rattraper le train. Et donc, il faut être à l’écoute. Il faut essayer des trucs et se planter parce que c’est important de rester fit, d’être capable de courir quand le moment viendra. Et puis ensuite, il faut vraiment sauter sur les sujets quand on pense que ça va marcher. C’est vrai beaucoup des expériences clients parce que les expériences clients, en particulier technologiques, ce n’est pas vraiment les Galeries Lafayette qui peuvent les pousser sur le marché. On a de la compétition, même si elle n’est pas la compétition directe, type Amazon, etc. Apple, qui eux, quand ils décident, en tout cas quand ils proposent une expérience aux clients finaux, souvent les clients les adoptent. En tout cas, c’est ceux qui sont capables de transformer les usages. Nous, il faut qu’on sente le moment. Et on revient à notre ADN qui est, il faut sentir l’air du temps, il faut sentir les courants ascendants, il faut les prendre très vite quand ils arrivent. Et ça, c’est plutôt la grande force des Galeries. Notre sujet d’innovation, finalement, c’est un sujet de planneur. Sentir quand ça va monter fort et dans ce cas-là, vraiment prendre cet ascendant-là. Donc finalement, c’est ça notre sujet sur l’inno.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors vous sentez quoi ? Pour les prochaines années ?

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Là aussi, parce que je suis aussi le responsable de l’IT, je suis toujours très sceptique quand on parle de la nouvelle startup qui va régler tous mes problèmes. Parce que, je le dis assez souvent, il y a des gens qui font de la cartographie des systèmes d’information, par exemple, qui servent sur le e-commerce. Quand j’ai commencé à travailler sur ces sujets-là, il y a une quinzaine d’années, il y avait 150 logos sur une page. Et aujourd’hui, la même boîte qui continue à faire de la cartographie, elle met 11 000 logos sur la même page. Donc, si je devais passer du temps à voir chacune de ces startups, ma vie n’y suffirait pas. Donc, il faut faire des choix. Donc, mon sujet à moi, il est plutôt un sujet d’industriel. Il faut quand même que le SI tienne, il faut que la supply tienne. C’est ça le sujet. C’est bien d’être innovant, mais il faut quand même avant tout que ça tienne. Et donc, qu’est-ce que je vois ? Ce qui me paraît une évidence, pour le coup, je trouve souvent que les nouveautés technologiques, je me dis ça, ça va être un bidule, ça ne va pas vraiment marcher. Probablement, je suis trop critique d’ailleurs sur le sujet. Mais là, je pense que l’IA, ça va quand même changer notre vie. Ce n’est pas une danseuse, ce n’est pas un truc, ce n’est même pas un objet uniquement technologique. C’est quelque chose qui va vraiment changer notre quotidien dans le travail avec une façon de voir les choses différentes, comme il y a eu d’autres changements technologiques ces dernières années qui font qu’on travaille différemment. Donc l’IA générative, il faut mettre de l’énergie là parce qu’il faut comprendre, il faut voir ce que ça va donner. Je ne sais pas exactement dans quelle direction ça va, mais il faut prendre. Tout le monde la prend, mais il faut vraiment prendre cet ascendant, ce courant montant et il faut y passer du temps et faire des erreurs sur le sujet, je pense que c’est important.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Nous resterons donc aux aguets pour voir ce que vous en faites. Merci beaucoup Stéphane pour cet échange et à bientôt.

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Merci Lorraine, à bientôt.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Au revoir.

Stéphane Zantain (Galeries Lafayette) :
Au revoir.