Faire vivre l'innovation logistique

Grégoire Hirtz, VP Operations du site internet ManoMano
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Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Bonjour, pour ce nouvel épisode, nous sommes au sein du siège de la Marketplace, spécialiste du jardin et du bricolage ManoMano, dans le 17e arrondissement de Paris et en présence de Grégoire Hirtz, VP Operations du site internet. Bonjour Grégoire.

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Bonjour Laurène.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors merci de nous recevoir dans vos locaux. Ensemble, on va évoquer la démarche d’innovation de ManoMano. Et pour commencer, pour bien comprendre comment elle s’articule, est-ce que vous pourriez nous décliner les grands objectifs de cette démarche et les lignes directrices de sa mise en œuvre ?

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Tout à fait. Alors, à titre d’intro… Je pense que c’est important de redonner le contexte et surtout le fait que pour ManoMano, l’innovation fait vraiment partie de notre ADN. On se voit vraiment comme des inventeurs forcenés. On cherche en permanence à optimiser les choses et à pousser l’innovation. De fait, notre démarche repose sur une grande autonomie des équipes, pour que ce soit eux qui identifient et qui mettent en œuvre les innovations. Il n’y a pas de cadre à proprement parler. C’est vraiment cette autonomie qui prime. Mais naturellement, comme on est une boîte tech, on a un focus qui se fait vers tous les sujets de type algorithmie et intelligence artificielle, comme c’est la tendance actuellement. Néanmoins, on aime aussi beaucoup parce que ça touche aussi à nos valeurs, tout ce qui touche à la sustainability et l’expérience de livraison, qui fait globalement un mélange entre l’aspect très technologique et puis les choses très concrètes qui touchent au quotidien de tout le monde. Et à la fin, ces innovations et la façon dont on va aussi d’une certaine façon prioriser celles qu’on va conserver doivent permettre de soutenir deux axes. Le premier, tout ce qui va toucher à notre qualité, nos coûts, mais aussi notre impact sur la sustainability qui est un volet très très fort. Et ensuite, le deuxième axe, c’est notre différenciation. C’est comment nous, petite marketplace, au départ franco-française maintenant européenne on continue à grandir on continue à se différencier par rapport aux grands acteurs du e-commerce et surtout comment est-ce qu’on construit un univers vraiment spécifique au monde du bricolage et du jardinage qui est notre spécialité qui est vraiment l’axe qu’on pousse et qu’on veut conserver dans un modèle aussi de marketplace spécifique parce que contrairement aux grands acteurs nous sommes une pure marketplace. Nous ne possédons pas le stock, nous ne sommes pas en compétition avec nos marchands et dans l’aspect marketplace et compétitif, vraiment on souhaite que tous les marchands soient égaux, ceux qu’on sélectionne en fait, puissent s’épanouir sur notre marketplace. Et donc c’est en ça que déjà ce concept est innovant, on était les premiers à le faire et on n’est pour l’instant encore les seuls à le faire. Et d’autre part, comment est-ce qu’on continue à se développer dans cet univers ?

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Comment on soutient cette démarche au quotidien ? Comment on embarque ses équipes dans cette mise en oeuvre quotidienne ? Et pas que ses équipes, j’imagine aussi ses partenaires et ses clients.

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Tout d’abord, ça fait un peu lien avec ce que je disais précédemment. Je pense que c’est vraiment dans la culture de ManoMano. Et donc ça, c’est dès le recrutement, mais aussi au quotidien. Et donc en fait, c’est un peu ce système à deux couches où toutes les équipes sont autonomes, tout le monde est autonome, il y a cette culture de l’innovation qui est très très forte. Et puis dès qu’on sent que quelque chose commence à être tangible, intéressant, on l’industrialise pour pouvoir entre guillemets passer à autre chose et s’assurer que les résultats de l’innovation sont pérennes, parce que c’est aussi un des challenges dans le monde de l’innovation. Il y a des débuts très prometteurs et puis on a du mal à capitaliser dessus et je pense que ça c’est aussi une des clés importantes pour y arriver. Et donc ça c’est en interne. Avec nos partenaires, on a une approche typiquement si on parle de ID Logistics, où on va vraiment essayer en début d’année de se dire voilà les sujets clés sur lesquels on souhaite travailler. Et d’ailleurs ça peut être dans les deux sens. Et ensuite un peu de se répartir le monde entre des sujets qui vont être plus dans notre corps de métier et donc on pense qu’on a l’expertise etc. Et donc ManoMano va prendre la main. D’autres typiquement on pense que c’est l’expertise d’ID Logistics où on s’attend à ce que ce soit l’expertise d’ID Logistics et donc de les laisser prendre la main sur ces sujets. Le but du jeu, c’est de ne pas se marcher sur les pieds. Personne n’a la science infuse et en fait cette culture qu’on a nous d’innover en permanence. On essaye aussi de la pousser chez nos partenaires et qu’ils se sentent à l’aise pour innover, pour tester, pour rater. Ça fait partie du jeu. Le tout étant qu’on sache où on va. Enfin, on essaye de répondre à un problème parce qu’on est entre partenaires, il y a des enjeux financiers. Donc globalement, juste assurer qu’on n’est pas en train de s’épuiser ou d’user le soleil sur des sujets qui n’ont pas d’importance.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Alors on parle de culture, on parle de démarche. Concrètement, on va parler de projet, est-ce que vous pourriez nous évoquer des développements significatifs chez ManoMano, des choses qui ont vraiment changé votre façon de faire au quotidien ?

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Alors, je vais prendre des sujets qui touchent plus à la logistique. La liste est très longue. Je regardais la semaine dernière, on s’est amusé avec l’équipe de direction à compter le nombre de projets qui ont été lancés et mis en place la semaine dernière sur l’innovation. Et c’était 92, rien qu’une semaine.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
On peut faire plusieurs épisodes.

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Exactement. Et pour être tout à fait transparent, j’étais même, les gars, il faut peut-être qu’on se calme, parce que 92 pendant la semaine de Black Friday, est-ce que vraiment tout est sous contrôle ? On peut légitimement se reposer la question. Et si je reviens sur des sujets plus logistiques et qui sont pour le coup, là, bien validés, déjà plus matures, un des projets typiquement à touche à la fois logistique et à l’environnement concerne tout ce qui est l’élimination du vide dans tous les colis, enfin toutes les commandes sont faites et sur lesquelles on est obligé d’emballer les produits parce que les produits nécessitent d’être protégés. Typiquement un travail justement d’algorithme auto apprenant par rapport aux résultats qu’on avait et puis à l’utilisation que pouvaient faire les employés dans les entrepôts logistiques. En fait on a réussi à développer des algorithmes qui ont permis de baisser d’environ 60% qui est un peu la moyenne du e-commerce du taux de vide qu’on retrouve dans chaque carton, à 42%. Alors on a mis un peu de temps pour développer l’algorithme, ça nous a pris 2-3 mois, parce qu’en fait, pour le coup, c’est quelque chose qui doit être robuste, parce que dès qu’il est déployé dans un entrepôt, il faut que ça puisse vraiment… il n’y ait pas d’ambiguïté pour les opérateurs. Néanmoins, dès que ça a été mis en œuvre, en fait, en 3 semaines, en fait, on est passé de 60 à 42%. Donc ça, c’est des choses dont on est très fiers. Avec maintenant l’algorithme qui nous fait lui-même aussi les recommandations de carton qu’il faut qu’on aille chercher, parce qu’en fait, c’est un enjeu entre utiliser le bon carton, mais avoir aussi le bon panel de référence de carton. Et donc ça, c’est un succès parce qu’il y a un impact pour l’environnement qui est très important. Mais derrière, c’est un impact direct aussi sur les coûts parce que globalement, il y a moins de camions vides qui sont en train de rouler et globalement, ces camions ont aussi un coût. Et puis si on prend des cartons qui ont la bonne dimension, globalement, en général, s’ils sont plus petits, on les paye moins cher. Et donc ça, c’est des impacts financiers qui sont très importants. L’expérience client est aussi importante parce qu’on l’a tous vécu. Quand on reçoit un carton trop gros par rapport au produit qu’on a dedans, on se pose quand même tous des questions par rapport à notre impact personnel, qu’on peut avoir sur la planète. Donc ça, c’est un des succès, j’ai envie de dire, de cette année. Un autre élément un peu plus récent, dont moi aussi je suis très fier, en fait, dans la logistique, un des challenges qu’on a tous, c’est la réception des produits. Alors, dans une marketplace, c’est encore plus compliqué parce qu’en fait, ce sont des marchands, ce ne sont pas nous qui achetons les produits, donc ce ne sont pas des fournisseurs sur lesquels on a la main, c’est des marchands qui utilisent le service logistique de ManoMano. Et en fait, un des enjeux, c’est que ces marchands arrivent à bien se conformer aux règles un peu logistiques qui ont été mises en place pour que la réception se fasse de la façon la plus efficace possible. Et en construisant un bot, un robot qui va aider les marchands à préparer leurs expéditions, on a pu réduire le taux de litige qu’on avait en réception de 4% à 2,5%. Donc ça peut sembler des petits chiffres, mais en vrai, la moyenne est plutôt aux entours de 8% sur notre type d’industrie, sur notre verticale. On était à 4%, on était quand même déjà relativement fiers de notre niveau. Et là, 2,5%, on commence à être très très content. Et ça c’est à la fois une bonne expérience pour le marchand parce qu’en fait, moins de litiges, tout se passe bien, les produits sont mis en stock plus rapidement. Pour l’entrepôt, c’est beaucoup plus simple aussi. Pour nos clients finaux aussi parce qu’en fait, les produits sont en stock très très rapidement.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Comment vous arbitrez vos choix ? Comment vous arbitrez les budgets ? On va mettre tant sur l’innovation logistique, tant sur tout ce qui est expérience client.

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Je ne les arbitre pas parce qu’on a, je pense, encore la chance d’avoir… une innovation qui va vite. Et donc, du coup, on peut vite tester des choses, vite voir s’il y a un résultat ou pas. Et l’arbitrage que je vais faire va être dans un second temps, en fait, de se dire, ouais, là, vraiment, on est en train de régler le problème. On est en train de toucher à des éléments, soit financiers, mais aussi des éléments d’expérience client. Parce que quel est le prix qu’on donne à l’expérience client dans un arbitrage ? C’est toujours difficile. Et en fait, en particulier dans le monde des opérations, on risque toujours d’être trop focalisé sur nos coûts, et pas assez sur les éléments d’expérience client qui eux derrière génèrent du revenu et aussi le cercle vertueux. Donc globalement, je n’ai pas une vision d’arbitrage. Par contre, je reviens à ce que je disais, à la vision partagée qu’on doit avoir. On a des grands axes qu’on se donne pour l’année. Typiquement, on sait qu’on veut continuer à améliorer notre NPS et parmi les éléments sur lesquels on souhaite travailler, par exemple la gestion des retours. Donc en fait, toutes les innovations qui vont toucher à la gestion des retours, j’ai envie de dire, vous avez carte blanche mes équipes. Et après, quand on a testé un peu les choses et qu’on dit, bon voilà celui-là va… peut-être coûter à faire fonctionner dans le temps 40, 50 000 euros. On passe plus de temps à se dire comment on fait baisser ce coût-là plutôt qu’à se dire, ben non, là, on ne peut pas trop se permettre ou quoi que ce soit. Donc, c’est plutôt cette vision qui nous anime. Alors, après, il y a toujours une réalité qui nous rattrape. L’autre arbitrage qu’on va faire, c’est les ressources qu’on peut utiliser. C’est là aussi où je pense qu’on a un modèle chez ManoMano, qui fonctionnent plutôt bien, en particulier sur tous les sujets d’intelligence artificielle, avec 100% des employés qui sont à l’aise pour travailler sur ce genre de sujet. Et bien, on a quand même un vivier très fort. Donc ça, c’est un premier élément. Et le deuxième élément, je pense qu’il y a une grande force, c’est qu’on a globalement, de par notre genèse de boîte tech, des datas qui sont très bien structurées et qui font qu’on peut aller assez vite aussi sur tous ces sujets-là.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Pour terminer notre entretien, je voudrais qu’on fasse un peu de projection. Quels sont les sujets sur lesquels portent vos réflexions ? Là, vous m’avez parlé sur les sujets de cette année. Si on se projette un peu plus loin, sur quoi vous allez bosser en termes d’innovation ?

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Le ManoMano de 2024 est déjà très différent du ManoMano de 2021, moi quand je suis arrivé, qui était encore très différent du ManoMano de 2018. Donc on a un peu cette habitude. De se dire, bon, il faut qu’on se projette, mais de quoi sera fait le monde et de quoi ressemblera notre vertical dans trois ans ? Difficile à prévoir, donc on reste sur des horizons qui sont relativement courts. Dans les sujets clés, on se donne. Clairement, il faut qu’on continue à travailler sur tout ce qui est l’expérience de nos clients, et notamment de nos clients pros, parce que ManoMano a beaucoup grossi d’abord avec des clients qu’on appelle B2C, donc en fait vous et moi, pour leur petit bricolage. Et maintenant, on accélère beaucoup sur, en fait, notre croissance est portée par nos clients pros, donc en fait tous les entrepreneurs du BTP typiquement, qui ont des besoins de livraison vraiment spécifiques, et d’expérience de livraison, parce qu’ils sont sur quatre chantiers à la fois, parce que de temps en temps, ils vont commander une vis qui leur manque, mais ils vont aussi commander une palette de placo-plâtre. Et donc comment ? on arrive à développer globalement des expériences de livraison qui soient cohérentes avec leurs besoins. Donc ça, c’est un des grands axes d’un point de vue opérationnel et logistique. L’autre grand axe va être tout ce qui va toucher globalement à la sustainability. On y revient, mais ça fait vraiment partie aussi des valeurs de ManoMano, des choses qu’on veut pousser. Et notamment, on a fait des gros progrès de notre côté pour réussir à, je parlais de l’optimisation du vide, mais aussi typiquement, plutôt que de mettre un carton autour, de réussir à expédier les produits sans aucun carton du tout. Donc ce qui permet encore d’optimiser le remplissage des camions. Et en fait, le sujet qu’on a, c’est que de par le fait qu’on soit de marketplace, quand on opère dans la logistique, oui, on a cet impact, mais la réalité, c’est qu’on a encore une grosse partie de notre business qui est faite par les marchands directement, qui eux ne bénéficient pas de toute cette innovation. Et donc l’enjeu, c’est comment est-ce qu’on cascade cette innovation à nos marchands pour qu’ils puissent appliquer eux-mêmes ? ces bonnes pratiques et en bénéficier parce que c’est bon pour la planète mais c’est aussi bon pour les finances toutes ces améliorations et en fait un des enjeux qu’on a c’est, finalement ce sera peut-être le troisième élément dans l’innovation, c’est comment on mixe ça avec l’excellence opérationnelle parce que pousser l’innovation mais si derrière on n’arrive pas à bien l’ancrer dans le quotidien notamment dans la logistique en fait C’est pas pérenne. Et donc comment est-ce qu’on construit des solutions qui permettent à la fois de pousser des algorithmes, mais qui permettent aussi d’être appliquées concrètement par nos marchands ? Et ça, c’est un peu notre défi de 2025. Typiquement, nous, on aimerait bien pousser toutes les références à nos marchands. Vous n’avez pas besoin de les suremballer, il n’y a pas de souci, ça va vous permettre de réduire votre vide, le poids des colis, etc. Maintenant, il faut qu’on trouve le moyen pour qu’ils puissent concrètement le mettre en œuvre au-delà de la recommandation ou le partage de l’algorithme, et donc là on a : Comment l’innovation est au service de l’excellence opérationnelle ? Et ça, ça va être un des gros sujets de 2025.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
On suivra ça de très près, on attendra les réponses à ces questions. Merci beaucoup Grégoire.

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Avec plaisir.

Laurène Matzeu De Vialar (Voxlog)
Au revoir.

Grégoire Hirtz (ManoMano)
Au revoir.